Cadmium et écrans cassés : mythe ou réalité ?

Le cadmium est un métal lourd, bien connu en toxicologie et santé publique, classé comme cancérogène certain par le CIRC (Groupe 1). On le retrouve dans certaines industries (production de pigments, batteries, plastiques, etc.), et l’exposition générale se fait surtout par l’alimentation, l’eau, l’air pollué, la fumée de cigarette…
Récemment, une information circule (notamment via le Dr Jimmy Mohamed dans les médias) selon laquelle un écran de smartphone cassé libérerait du cadmium (ou d’autres perturbateurs endocriniens), pouvant traverser la peau ou se disperser dans l’air, et donc poser un risque sanitaire, surtout pour les jeunes.
L’idée de cet article est d’explorer ce qu’on sait, ce qu’on ne sait pas, et ce qu’il serait prudent de faire.
Ce qu’on sait (et ce qui est crédible)
Le cadmium est bien toxique. À doses suffisantes ou sur longue durée, il peut provoquer des effets graves : atteintes rénales, perte de densité osseuse (risque d’ostéoporose), effets sur la reproduction, augmentation du risque de cancers (poumons, reins, etc.).
Il y a des études en France (et ailleurs) sur l’imprégnation de la population au cadmium : on mesure le cadmium dans les urines, on voit des niveaux qui dépassent parfois ce qu’on juge tolérable, surtout chez les fumeurs, ou dans les zones polluées.
On reconnaît que certains objets, certains plastiques, certaines peintures ou composants électroniques contiennent des substances potentiellement dangereuses, dont le cadmium dans certains cas.
Ce qui n’est pas démontré — et ce à quoi faire attention
Il n’y a pas de preuve scientifique claire que les écrans de smartphone cassés libèrent du cadmium capable de traverser la peau ou d’inhaler en quantité dangereuse dans des conditions normales d’utilisation.
Beaucoup de déclarations dans les médias semblent basées sur des affirmations non vérifiées ou des interprétations alarmistes. Par exemple, Europe 1 rapporte que le Dr Jimmy Mohamed affirme que l’écran cassé libère du cadmium, mais il ne semble pas y avoir de données publiées récentes montrant des mesures analytiques qui confirment une libération significative de cadmium dans ces conditions.
Le risque dépendrait fortement de plusieurs facteurs :
- Type d’écran : écran LCD, LED, OLED, protections, verres trempés, revêtements spéciaux… tous ces types n’utilisent pas nécessairement de cadmium, ou s’il y en a, il est incorporé dans des couches protégées.
- Nature de la casse : fissures superficielles, éclats, quel composant est affecté.
- Contact avec l’intérieur : si la protection est rompue, ou si des composants internes sont exposés.
- Voies d’exposition : inhalation de poussières de verre, ingestion, contact cutané prolongé. La peau étant généralement une barrière assez bonne sauf si blessée ou en contact prolongé.
Il est important de distinguer ce qui est possible en théorie versus ce qui est quantifié / prouvé en pratique. Actuellement, je n’ai pas trouvé d’étude toxicologique ou biomonitoring qui mesure le cadmium libéré spécifiquement par un écran de téléphone cassé en usage normal.
Impacts potentiels, surtout chez les jeunes
Même en l’absence de preuve solide, il y a des raisons de restreindre les risques potentiels, surtout chez les enfants / adolescents :
- Leur peau est plus fine, leur métabolisme plus en croissance, ce qui peut les rendre plus sensibles aux toxines et perturbateurs endocriniens.
- L’exposition cumulée à des substances chimiques à bas niveau, sur de longues périodes, peut avoir des effets sur la puberté, la fertilité, ou le développement hormonal.
- Le renouvellement fréquent d’appareils, ou le port d’écrans fissurés touchés souvent (doigts, bouche, etc.), pourrait augmenter les doses même si chaque exposition individuelle est faible.
Que faire (réduire les risques)
Voici ce qu’on peut raisonnablement recommander :
- Remplacer / réparer un écran fissuré ou cassé dès que possible, plutôt que de l’utiliser longtemps dans cet état.
- Éviter de démonter soi-même l’écran ou manipuler les composants internes sans protection (gants, lunettes de protection).
- Se laver les mains après contact avec un écran cassé.
- Éviter de laisser des morceaux de verre cassés accessibles à des enfants.
- Acheter des écrans de qualité, avec appareils certifiés, pour limiter la probabilité de composants dangereux ou de couches toxiques non protégées.
- Vérifier les réglementations : dans l’Union Européenne, des lois (comme REACH) limitent ou interdisent certaines substances dangereuses dans les composants électroniques.