Visuel recommandé : une personne tenant et utilisant un smartphone dont l’écran est nettement fissuré ; cadrage serré sur la main et la dalle, lumière naturelle, arrière-plan neutre pour focaliser sur les fissures.
Conserver un smartphone fissuré paraît souvent anodin : l’appareil fonctionne encore et l’on repousse la réparation. Pourtant, cette situation soulève une question sanitaire récurrente dans les médias : un écran cassé pourrait-il augmenter l’exposition à des substances toxiques, en particulier au cadmium, métal lourd classé cancérogène certain par le CIRC (Groupe 1) et connu pour sa néphrotoxicité, ses effets ostéotoxiques et son implication dans certains cancers, notamment pulmonaires. Le propos de cet article est d’examiner la plausibilité biologique, l’état des preuves et la conduite à tenir.
Le cadmium se caractérise par une bioaccumulation marquée, avec une demi-vie biologique longue (de l’ordre de dizaines d’années dans l’organisme, surtout au rein et au foie). Les voies d’entrée les mieux documentées sont l’inhalation de particules (rendement d’absorption élevé selon la granulométrie) et l’ingestion chronique de faibles doses (alimentation, eau, tabac), la voie cutanée étant généralement peu perméable lorsque la peau est intacte. En santé publique, l’exposition chronique est souvent appréhendée via la biométrologie urinaire (cadmium urinaire), corrélée à la charge corporelle et au risque rénal à long terme.
Les smartphones récents commercialisés dans l’Union européenne doivent respecter des réglementations de type RoHS/REACH qui restreignent fortement l’usage du cadmium dans les composants électroniques. Historiquement, ce métal a pu être utilisé dans certains pigments, alliages ou traitements de surface ; aujourd’hui, l’emploi résiduel est limité et, lorsqu’il existe, enclos dans des couches laminées et adhésivées (pile de l’écran) ou dans des parties non accessibles à l’utilisateur. Les batteries de téléphones actuels sont Li-ion, et non Ni-Cd. En d’autres termes, le scénario le plus documenté d’exposition significative au cadmium concerne surtout la fabrication ou le recyclage non contrôlé, beaucoup plus que l’usage normal par le consommateur.
La fissuration altère la barrière physique du verre et peut créer des micro-débris. Dans la majorité des cas, les couches fonctionnelles de l’écran (adhésifs optiques, filtres, éventuelles couches conductrices) restent cohésives ; il n’existe pas, à ce jour, de données analytiques publiées montrant une libération mesurable de cadmium vers l’utilisateur lors d’un usage habituel d’un écran seulement fissuré.
Sur le plan toxicocinétique, la voie cutanée ne devient préoccupante qu’en cas de micro-lésions, de contacts prolongés avec des poussières ou d’atteinte des muqueuses (mains-bouche). La voie respiratoire n’est théoriquement en jeu que si des particules très fines sont générées et remises en suspension, ce qui est peu probable en simple utilisation, mais plus plausible lors d’un bricolage, d’un ponçage ou d’un démontage sauvage de la dalle. D’un point de vue niveau de preuve, on parle ici d’une plausibilité faible à modérée, non démontrée par des mesures chez l’utilisateur.
Même en l’absence de signal fort, une gestion du risque raisonnable s’impose. Les enfants et adolescents présentent une vulnérabilité accrue (peau plus fine, comportements de main-bouche, organismes en croissance) et une exposition cumulative potentielle plus longue. Par ailleurs, un écran fracturé augmente le risque de coupure, de contamination locale par des micro-débris et de mauvaise hygiène de surface (colonisation microbienne des crevasses), autant de facteurs indésirables qui s’ajoutent aux considérations chimiques.
Dans une perspective de prévention primaire, il est préférable de réparer rapidement un écran cassé plutôt que de l’utiliser des semaines. Entre-temps, on évite de gratter la surface, de démonter soi-même la dalle ou d’exposer l’appareil à des frottements générateurs de poussières ; on limite le contact prolongé avec les zones éclatées, on se lave les mains après usage intensif, et l’on écarte l’appareil des plus jeunes. Le recours à une réparation certifiée garantit le re-laminage des couches et la gestion sécurisée des déchets d’écran, en conformité avec les contraintes RoHS/REACH.
Écran de smartphone fissuré utilisé au quotidien : le lien avec une exposition mesurable au cadmium n’est pas démontré, mais une approche de précaution s’impose.
Le cadmium demeure une substance hautement préoccupante à l’échelle populationnelle : cancérogène certain, bioaccumulable et néphrotoxique. Pour les smartphones, l’usage courant d’un écran simplement fissuré n’est pas aujourd’hui corrélé, par des données publiées, à une élévation mesurable d’exposition au cadmium chez l’utilisateur. Néanmoins, au regard de la plausibilité biologique en cas de dégradation avancée, des incertitudes scientifiques et des alternatives de réparation simples, l’option la plus protectrice reste de faire réparer sans tarder plutôt que de prolonger l’usage d’un écran cassé.